Le pouvoir sans frein : comment l’absence de contre-pouvoirs freine le développement de l’Afrique

À travers l’Afrique, les projets de développement fleurissent dans les discours : routes modernes, barrages géants, pôles technologiques, réformes sociales, zones industrielles, villes intelligentes...

L’ambition est grande, les promesses aussi. Pourtant, une fois sur le terrain, ces projets s’enlisent, stagnent ou échouent. Pourquoi ? Au-delà du manque de moyens ou des erreurs techniques, c’est l’absence de contre-pouvoirs efficaces qui mine les progrès.

Le problème, ce n’est pas toujours l’argent : c’est le pouvoir sans contrôle

L’Afrique n’est pas dépourvue de ressources. Bien au contraire. Elle regorge de richesses naturelles, d’une jeunesse dynamique, et attire des milliards en aide au développement, investissements et prêts internationaux. Pourtant, faute de mécanismes de contrôle solides, ces ressources sont souvent dilapidées, détournées ou utilisées à des fins politiques personnelles.

Dans de nombreux pays, le pouvoir exécutif fonctionne sans réel contrepoids. Les parlements sont réduits à des chambres d’enregistrement, les justices sont influencées ou sous-financées, les institutions de contrôle (cours des comptes, agences anti-corruption) sont politisées ou inopérantes.

Ce déséquilibre crée un terrain fertile pour la mauvaise gestion, la corruption, l’inefficacité, et le gaspillage.

Exemples : promesses en vitrine, chantiers en ruine

Les exemples sont légion :

• ·       Un hôpital annoncé en grande pompe reste à l’état de chantier pendant dix ans.
• ·       Une autoroute budgétisée à plusieurs reprises n’avance que de quelques kilomètres.
• ·       Des marchés publics sont attribués à des entreprises fictives liées à des proches du pouvoir.
• ·       Des réformes ambitieuses dans l’éducation ou la santé sont abandonnées sans explication.

Sans contrôle, sans transparence, sans sanctions, les projets échouent dans l’indifférence générale, et les citoyens en paient le prix.

Pourquoi les contre-pouvoirs sont essentiels

Les contre-pouvoirs ne sont pas des obstacles à l’action : ils en sont la garantie. Ils assurent que le pouvoir est exercé dans l’intérêt général, que les ressources sont utilisées efficacement, et que les responsables peuvent être interpellés et remplacés en cas de défaillance.

Là où ils fonctionnent bien — au Ghana avec ses élections compétitives, en Afrique du Sud avec une justice relativement indépendante, ou encore au Botswana avec des institutions solides — les résultats sont visibles : plus de stabilité, plus de transparence, plus de développement.

Que faut-il changer ?

Renforcer les institutions, pas seulement les leaders
L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais de systèmes forts. Il faut bâtir des institutions indépendantes : justice, parlement, cours des comptes, administration neutre…

Encourager la vigilance citoyenne et la liberté de la presse
Une presse libre et une société civile active jouent un rôle clé de vigie, en révélant les abus et en mobilisant l’opinion publique.

Décentraliser le pouvoir
Un pouvoir centralisé est souvent inefficace et opaque. Donner plus de responsabilités (et de ressources) aux collectivités locales, avec des mécanismes de suivi, peut améliorer les résultats.

Récompenser la compétence, pas la loyauté politique
Les nominations et les contrats publics doivent être fondés sur le mérite, non sur les alliances politiques. Un système basé sur la performance est plus efficace et plus juste.

Pas de développement sans redevabilité

L’Afrique ne pourra pas réaliser son plein potentiel sans s’attaquer sérieusement à la question de la gouvernance.

La redevabilité n’est pas une option, c’est une nécessité. Sans contre-pouvoirs, les projets les plus brillants deviennent des échecs coûteux. Il est temps de bâtir des institutions qui résistent au temps, à la corruption et aux hommes, pour que le progrès devienne réalité.