Tiko Drink, Kumba Drunk : Quand le Cameroun s’acharne sur la fumée et ignore le feu

Il existe un adage en pidgin au Cameroun qui dit : « Tiko drink, Kumba drunk » — littéralement, « Tiko boit, mais c’est Kumba qui est saoul ».

Une expression pleine d’ironie qui illustre parfaitement un phénomène récurrent dans notre société : payer le prix d’un acte que l’on n’a pas commis.

 

Longtemps utilisée sur le ton de la blague, cette formule traduit pourtant un comportement profond et destructeur de notre peuple. Aujourd’hui encore, elle résonne tristement dans notre actualité.

L’affaire du père de Lydol : une indignation mal placée

Sur les réseaux sociaux, une nouvelle polémique secoue l’espace public camerounais : des appels au boycott de la slameuse Lydol, non pas pour ses actes, mais pour ceux que son père aurait commis.

Oui, vous avez bien lu : on demande de punir une artiste, parce que son père serait impliqué dans une affaire grave.
Comme si elle avait choisi son père, comme si elle avait participé à ses actes.
Cette réaction est non seulement injuste, mais profondément révélatrice de notre manque de discernement collectif.

 

Le vrai problème : un peuple distrait par l’accessoire

Pendant que des artistes innocents deviennent des boucs émissaires, les véritables criminels continuent de circuler librement, de gouverner, de voler, de détruire notre pays.

Mais au lieu de concentrer notre énergie sur ceux qui ont les mains dans le coffre et les pieds sur nos droits, nous préférons nous battre contre des ombres.

Ce comportement n’est pas nouveau. Il explique en partie pourquoi Paul Biya est encore au pouvoir après plus de 43 ans, malgré une corruption galopante, une misère généralisée et une gouvernance dépassée.

 

On me pose souvent la question :
"Pourquoi les Camerounais ne se lèvent-ils pas ? Pourquoi acceptent-ils tout cela sans broncher ?"
Ma réponse est simple et sans détour : Parce que notre peuple manque de focus.

 

Un peuple qui éteint la fumée et laisse brûler la maison

 

Nous sommes devenus des experts en détournement d’attention.
Nous abandonnons les causes fondamentales pour nous perdre dans les débats émotionnels et les conflits périphériques.

Nous faisons des tempêtes dans des verres d’eau pendant que le bateau prend l’eau de toutes parts.

 

Lydol n’est pas le problème.
Les artistes ne sont pas le problème.
Le problème, c’est un système injuste, corrompu, verrouillé, que nous refusons de regarder en face.

 

Recentrer nos luttes, retrouver notre cap

 

Il est temps de faire preuve de maturité collective. Il est temps de distinguer les vrais enjeux des distractions toxiques.
Ce pays ne changera pas tant que nous continuerons à courir après la fumée en laissant le feu faire son œuvre.

 

Nous devons apprendre à défendre les nôtres, surtout quand ils sont innocents.
Nous devons apprendre à diriger notre colère vers ceux qui la méritent, pas vers ceux qui sont simplement visibles ou vulnérables.

Shalom.